Initiation à la Polémologie ou "Sciences de la Guerre".

Initiation à la Polémologie ou "Sciences de la Guerre".

1-      Les contours de l’enseignement.

Les Relations Internationales (RI) contemporaines sont marquées par une obsolescence de la guerre conventionnelle au profit des nouvelles formes de conflictualités à l’instar des guerres civiles dont le terreau se trouve principalement en Afrique. A ce sujet, DELMAS parle du « bel avenir de la guerre » pour illustrer la multiplication des conflits survenus en Afrique pendant et après les indépendances.

Allant dans le même ordre d’idées, Raymond ARON dira que « les Relations Internationales se déroulent à l’ombre de la guerre ». Ainsi, le processus de construction de l’Etat, autrement dit le passage de l’état de nature à l’état de société, se passe dans une « violence évidente » pour reprendre la pensée de Charles TILLY.

Dans cette conflictualisation de la scène internationale, il ya lieu de se poser la problématique centrale suivante : Qu’est-ce que la guerre en générale ? Et qu’est-ce que la guerre civile en particulier ? Le nœud de ce cours sera articulé autour des causes, caractéristiques et typologies des guerres civiles, assorti des cas de figure tirés dans la société contemporaine.

2-      Clarification des concepts.

ü  La polémologie.

Ce mot est dérivé des concepts polemos (polémique) et logos (science, traité). La polémologie est donc la science de la polémique. Le sociologue démographe Gaston BOUTHOUL la définit comme « la science de la guerre au sens stricte ; non pas comment la faire, comme le prônent les stratèges et les tacticiens, mais pourquoi elle advient ». L’ambition de base de cet auteur est d’étudier la guerre pour mieux préparer la paix.

ü  La guerre.

C’est un conflit armé opposant au moins deux (02) Etats ou autres entités considérées comme tels à savoir les royaumes, principautés, seigneuries, etc. A ce sujet, GROTIUS dira qu’ « il ya guerre dès qu’un conflit opposant deux (02) Etats ou institutions fait usage de la force ». En d’autres termes, la guerre est un état conflictuel dans lequel les partenaires vident leur différend par la force.

ü  La guerre civile.

Elle se démarque fondamentalement de la guerre conventionnelle tant par son envergure  (endogène) que par les parties en présence (celle-ci oppose les citoyens d’un même territoire). Par conséquent, « la guerre civile est donc un processus d’affrontement opposant les factions d’un même Etat ». Elle met aux prises non seulement les armées régulières mais aussi les civiles.

3-      Quels sont les objectifs spécifiques de la polémologie ?

La polémologie vise plusieurs objectifs majeurs à savoir :

-      Dégager les hypothèses et les théories permettant de ressortir les facteurs caractéristiques des conflits guerriers.

-      Faire comprendre que la guerre est avant tout un problème qui émane de la volonté humaine et non pas du déterminisme sociologique.

4-      La polémologie est-elle une science ?

Une science est une discipline qui a un objet d’étude et une méthode (une démarche scientifique). Ainsi, la polémologie a belle et bien un objet d’étude qui est la guerre. Celle-ci étant entendue ici comme un affrontement à grande échelle de groupes sociaux organisés et sanglants.

Pour ce qui est de la méthode, la polémologie relève de la sociologie, et utilise la démarche scientifique des sciences sociales voire de la sociologie. Elle utilise également les techniques d’expérimentation, d’observation, de description et d’analyse des contenus.

5-      Environnement et polémologie.

L’environnement ici peut être physique, social ou politique.

Dans l’environnement physique, l’eau, l’atmosphère et la forêt sont les principales ressources de l’individu. Et bon nombre de conflictualités dans le monde sont alimentées par la dispute, la mauvaise gestion ou l’absence desdites ressources.

Dans l’environnement social, on fait allusion aux accidents de toutes sortes et aux aléas de nature technologiques.

L’environnement politique enfin est le siège des luttes pour la conquête ou la conservation du pouvoir en vue de son exercice ; d’où la floraison des conflits partisans.

6-      Les Solutions pour un environnement non-conflictuel

Au niveau de l’environnement physique, il faut :

-      Procéder à la délimitation claire des frontières étatiques.

-      Le reboisement.

-      La démarcation des frontières.

-      L’utilisation d’autres sources d’énergies permettant d’éviter la pollution (énergies renouvelables).

Au niveau socio-politique, il faut :

-      Eviter l’ethnicisation (instrumentalisation de l’ethnie).

-      Eduquer les masses à tous les échelons de la société.

-      Envisager un encrage démocratique concret.

-      Promouvoir la bonne gouvernance.

-      Assurer la répartition équitable des richesses nationales.

-      Mettre sur pied un développement équilibré des nations.

7-      Quelles sont les causes de la guerre civile ?

Elles sont de deux (02) ordres à savoir : les causes matérielles et les causes idéelles.

ü  Les causes matérielles.

Paul COLLIER pense que la principale cause matérielle de la guerre civile est l’avidité du gain ou encore la quête effrénée pour les ressources naturelles. C’est donc cela qui pousse les acteurs d’une même patrie à porter les armes et à se faire la guerre. Dans un tel cas de figure, les ressources disputées servent à la fois de cause et de carburant pour la guerre. C’est le cas en République Démocratique du Congo (RDC) où le Diamant, le cobalt et l’or dans le Nord Kivu  sont à la fois le facteur et la source de financement de la guerre civile dans ce pays. Il en est de même de la guerre civile au  Libéria et en Sierra Léone.

Le second facteur est incontestablement la lutte pour l’accession au pouvoir suprême par la guerre ; ou encore la volonté de créer un nouvel ordre politique afin d’y régner. C’est le cas de la guerre de sécession  au soudan du Sud, au Katanga en République Démocratique du Congo (RDC) et  la guerre du Biafra au Nigeria.

Le dernier facteur réside dans la nature de l’Etat. Il est évident que les Etats faibles ou Etats faillis sont généralement inaptes à garder une emprise sur l’étendue de leurs territoires. Chose qui favorise l’émergence des groupes militaro-criminels et donc la guerre civile. C’est le cas de la  République Centrafricaine (RCA).

ü  Les causes idéelles.

Il peut s’agir de l’opposition tribale et ethnique qui se manifeste par le refus d’accepter l’autre. C’est le cas du génocide rwandais qui a confronté les Tutsis aux Hutus.

De même, les haines ancestrales orchestrées et nourries par les colons ont parfois été à l’origine de graves guerres civiles en Afrique. C’est le cas de la guerre civile en Côte-d’Ivoire engendrée par le concept de l’ivoirité.

Enfin, la diversité religieuse n’est pas en reste. L’opposition entre les chiites et les sunnites en Irak, la discorde entre musulmans et chrétiens au Nigéria (Boko Haram) et la guerre israélo-palestinienne participent de cette diversité religieuse.

8-      Les caractéristiques de la guerre civile.

Selon  Nicholas SAMBANIS, quatre (04) faits majeurs nous permettent de reconnaître une guerre civile à savoir :

-          La présence des groupes bien organisés ayant un agenda politique. Il peut s’agir d’un Etat ou des Associations politiques, milices ou  groupes rebelles tels l’Union des Populations du Cameroun (UPC), le Mouvement de Libération de l’Angola (MLA), la SELEKA, etc.

-          La contestation d’une autorité souveraine (pouvoir central).

-          La violence réciproque. Autrement dit, les parties en présence doivent s’affronter militairement.

-          Le nombre de victimes. Il est fixé au moins à mile (1000) morts selon Melvin Smail et David Singer.

9-      Quels sont les principaux types de guerres civiles ?

La multiplicité des guerres civiles qui secouent le monde en général et l’Afrique en particulier peuvent être regroupées en deux (02) grands groupes à savoir :

ü  La guerre civile conventionnelle.

Dans le cas d’une guerre civile conventionnelle, on peut noter les principaux indicateurs suivants :

-          Les espaces de conflits sont bien délimités.

-          Les combattants sont jeunes et volontaires pour la plupart.

-          Les victimes de la guerre sont tuées sur le Champ de bataille.

-          Les civiles sont tenus en dehors des combats.

ü  La guerre civile non-conventionnelle.

Encore appelée guerre civile irrégulière, la guerre civile non-conventionnelle présente les critères ci-après:

-          Le champ de bataille n’est pas bien circonscrit.

-          On note une confusion entre les civils et les combattants.

-          Les tueries sont perpétrées de façon désordonnée sans tenir compte de ceux qui ne sont pas armés.

10-  Les autres types de guerres civiles.

Quatre (04) sous-groupes de guerres civiles peuvent être recensés dans cette rubrique :

ü  Les guerres de décolonisation.

Il s’agit des groupes ayant pris des armes contre le pouvoir central au sein des ensembles coloniaux. A titre illustratif, il convient de citer la guerre d’indépendance en Algérie, en Indonésie et au Cameroun.

ü  Les guerres par procuration.

Dans ce cas, des acteurs extérieurs soutiennent des insurrections au sein des Etats afin d’affaiblir leurs rivaux internationaux. C’est le cas de la guerre ayant opposée l’Ethiopie à l’Erythrée dans les années 1990.

ü  Les guerres de sanctuaire.

Il s’agit des guerres menées dans le territoire d’un Etat, mais le territoire de l’Etat voisin servant de refuge stratégique aux insurgés. Ce fut le casdes rebelles soudanais abrités au Tchad lors du conflit entre le Nord et le Sud-Soudan.

ü  Les guerres d’intervention.

Elles émanent généralement d’une guerre par procuration. Ainsi, des disputes de pouvoir peuvent amener un Etat voisin à s’ingérer pour soutenir un groupe rebelle dans le but de renverser un régime jugé odieux ou dictatorial.